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Les quartiers après le covid-19: plus vivants, plus numériques et plus solidaires?

19 mai 2021 – Les expériences et les conséquences générées par la pandémie de coronavirus sont porteuses de chances pour nos quartiers. L’avancée du télétravail peut animer ceux-ci sur le long terme. Et la digitalisation a le potentiel de favoriser la coexistence et l’interaction dans le quartier.

Au bout d’une première année extraordinaire en tant que responsable du Réseau Quartiers Vivants, Dominic Blumenthal, chef de projet à l’Union des villes suisses, partage dans cet article quelques-unes de ses observations et pensées sur le développement des quartiers en temps de pandémie.

 

Les quartiers urbains se nourrissent de rencontres. Vu sous cet angle, la pandémie de coronavirus a été du venin pour la manière habituelle que l’on avait de se rencontrer. Une part de ces rencontres s’est transférée, au moins partiellement, vers le monde numérique. Le potentiel des lieux de rencontre numériques se manifeste par exemple dans l’organisation de l’aide de voisinage, qui a acquis une importance considérable pendant la pandémie.

 

Depuis l’apparition de la pandémie en mars 2020, la plateforme www.aide-maintenant.ch met en relation ceux qui cherchent de l’aide et ceux qui en offrent. Les services de soutien proposés, variés, vont du soutien psychologique à l’aide de voisinage et à l’aide aux commissions. Et la plateforme est un succès: selon les chiffres de la Croix-Rouge suisse, qui a repris en août 2020 ce projet né de la société civile, www.aide-maintenant.ch a compté lors de sa première année jusqu’à 200 000 volontaires inscrits, qui ont pu soutenir plus de 100 000 personnes en quête d’aide.

 

La Ville de Winterthour se tourne elle aussi vers les ressources numériques durant la crise. «Quartierleben Neuhegi» est une plateforme communautaire numérique interactive disponible sous forme d’appli. Les habitant-e-s du quartier peuvent d’un simple clic s’informer sur les nouveautés et les évènements qui ont lieu dans le quartier, tandis que le forum de discussion leur permet de proposer leurs idées pour l’aménagement des parcs et offres de loisirs ou de débattre de sujets ayant rapport au quartier ; le tableau d’affichage leur permet de s’offrir mutuellement des objets ou des services ou d’en demander. La plateforme a pour but de promouvoir la vie dans le quartier en soutenant les échanges, la participation ainsi que l’accès aux offres et aux activités locales. Sur le long terme, elle peut ainsi contribuer à renforcer le sens de la communauté et au bout du compte améliorer la qualité de vie. Lors du lockdown de mars 2020, la plateforme numérique de quartier a enregistré une hausse marquante des clics et des posts dans le domaine de l’aide de voisinage. Afin de répondre à ce besoin, on a lancé sur l’ensemble de la ville de Winterthour le module «aide de voisinage coronavirus», qui permet aux habitant-e-s de proposer ou de demander des offres d’aide. Le module a été très bien accueilli, et les utilisatrices et utilisateurs ont à plusieurs reprises exprimé le souhait de le conserver et de le concentrer sur différents quartiers.

 

Une solidarité entre les générations

D’un côté, le déplacement d’une partie de la vie de quartier vers l’espace numérique a créé beaucoup de solidarité. Dans les lieux de rencontre numériques, jeunes et vieux se sont rapprochés, ce qui était peut-être moins le cas dans le monde réel. Mais de l’autre côté, la pandémie a aussi révélé un potentiel de tension entre les générations qui s’est également manifesté dans le quartier. La Haute école de travail social du Valais a étudié l’impact de la pandémie de covid-19 sur les relations intergénérationnelles. Dans le cadre de ce projet, 17 personnes âgées de 17 à 80 ans ont été interrogées personnellement sur les expériences qu'elles avaient faites avec diverses mesures d’assistance. Ces entretiens ont été transformés en un film documentaire

 

Les chercheuses et chercheurs ont observé un large éventail d’offres d’assistance intergénérationnelle au niveau du quartier, tant dans le cadre institutionnel que privé. La solidarité intergénérationnelle est variable et s’organise différemment selon la région de résidence et les réseaux déjà existants: dans les régions montagneuses notamment, la solidarité entre les générations et la cohésion familiale sont ancrées dans les traditions anciennes. Les familles vivent à proximité les unes des autres et s’aident mutuellement, par exemple pour faire les courses. En ville, on a plutôt recours à l’aide organisée au niveau institutionnel dans les quartiers. Outre de nombreux défis de nature pratique dans l’intermédiation et la mise en œuvre de l’entraide de voisinage, des opportunités sont également nées suite à la pandémie. En raison du passage au télétravail, bien des personnes avaient plus de temps, y compris pour le travail bénévole. Notamment l’échange (extra-familial) entre les générations a augmenté, grâce à quoi il a été possible de briser des stéréotypes. Il est difficile de prévoir la manière dont la pandémie de coronavirus changera à moyen et long terme la cohabitation dans le voisinage. L’introduction de modèles de travail plus souples continuera à marquer les rapports entre les générations grâce aux contacts plus intensifs escomptés. Les lieux de rencontre au sein des quartiers sont essentiels pour le maintien de l’échange intergénérationnel – y compris après la crise.

 

Le quartier se revitalise

 

L’augmentation du télétravail se traduit par une revitalisation du quartier. Les personnes qui travaillent de chez elles y passent davantage de temps, pas seulement pour des activités de bénévolat dans le voisinage. Elles font aussi plus souvent leurs courses dans le magasin du quartier et se détendent dans le parc juste devant chez elles ou en se promenant dans les alentours.

 

Le télétravail a fait augmenter le chiffre d’affaires réalisé dans les quartiers: voilà aussi la conclusion d’une évaluation de la Banque cantonale zurichoise ZKB, qui a analysé les chiffres d’affaires de ses clients professionnels (voir ww.srf.ch). Cette analyse montre que dans les régions résidentielles typiques, le chiffre d’affaires a bien souvent été le double de celui de l’année précédente, alors que dans les zones centrales, il s’est effondré.

 

Cependant, une tendance aux produits et commerces locaux est également perceptible dans le centre-ville. Les commerçantes et commerçants des quartiers identifient encore une autre évolution apparue durant la période du covid-19: les clientes et clients expriment leur solidarité avec eux en se rendant dans leur magasin. Ils espèrent bien sûr que cette solidarité se poursuivra après le coronavirus.

 

De même, la pandémie de coronavirus nous montre l’importance de notre propre environnement en tant qu’espace de loisirs de proximité. Par la force des choses, la redécouverte de son propre voisinage à des fins récréatives est en vogue: même l’excursion du week-end dans les environs immédiats présente des avantages, notamment pour l’environnement. En période de pandémie, non seulement la mobilité diminue pendant la semaine, mais la mobilité liée aux loisirs diminue elle aussi. Afin que le quartier soit attrayant pour les activités de loisirs de ses habitantes et habitants, il est crucial de disposer d’une surface suffisante d’espaces verts et ouverts de haute qualité. La préservation et la création de ces espaces ouverts sont essentielles pour la qualité de vie et représentent un défi crucial pour le développement territorial, compte tenu de la nécessité de renforcer la densification du bâti dans les villes. Une utilisation diversifiée de l’espace public peut en être la clé, sachant que la promotion des transports doux et des chemins courts peut contribuer à ces efforts de manière importante. Lorsque le logement, les achats et le travail sont proches les uns des autres, cela entraîne une réduction de l’impact sur l’espace, la santé et l’environnement.

 

Que restera-t-il de tout cela? Une esquisse du quartier d’après le covid-19

 

La pandémie nous a montré dans de nombreux domaines ce qui va bien dans notre société, mais aussi ce que nous devons réajuster. Cela vaut également pour les quartiers.

 

L’introduction et la généralisation du télétravail permet de consacrer plus de temps à la vie de quartier. Du temps se libère pour le bénévolat, et les expériences de solidarité acquises intensifient les relations intergénérationnelles. Les lieux de rencontre locaux, y compris en dehors de l’espace numérique, sont d’une importance capitale pour préserver ces échanges et ce dialogue entre les générations. Il reste également davantage de temps pour la consommation et le repos près de chez soi – et ce même, idéalement, après la pandémie. Reste à savoir dans quelle mesure ces nouveaux modes de vie perdureront sur le long terme. Compte tenu des évolutions décrites ci-dessus, un recentrage à moyen terme de la vie vers le voisinage semble tout à fait concevable et a son charme, y compris comme moyen de lutte contre le changement climatique. En effet, ceux qui passent la majorité de leur temps dans le quartier et consomment localement réduisent leur empreinte écologique.

 

Or l’évolution démographique continue de progresser. Du fait du vieillissement de la population, le nombre de personnes particulièrement vulnérables augmentera lors des futures pandémies, tandis qu’en proportion, le nombre de personnes pouvant apporter de l’assistance diminuera. Il est donc d’autant plus important de mettre en commun les ressources existantes – qu’il s’agisse des personnes, des idées ou des finances – et de les utiliser de manière judicieuse, notamment au niveau des quartiers. Les organisations sociales devraient se concerter pour décider de l’utilisation des ressources existantes et les utiliser comme convenu sans s’isoler les unes des autres. Enfin, les plateformes numériques peuvent justement être utiles pour coordonner les activités de l’Église, de l’État et de la société civile dans le quartier. L’actuel bond en avant du numérique fait progresser la mise en réseau et crée – c’est du moins ce que l’on espère – des réseaux locaux durables et résilients.

 

Grâce au coronavirus, les quartiers peuvent devenir plus solidaires, plus vivants et plus durables. Le local et donc le quartier gagnent en importance. Le tableau esquissé dans cet article correspond à un scénario optimiste. Il est impossible de prédire si la solidarité (entre les générations) née de la crise perdurera. De même, il est trop tôt pour savoir si la modification spatiale du monde du travail aura sur la vie de quartier les effets positifs espérés. Cependant, la crise a mis en évidence l’importance pour chacun de son environnement immédiat, de son quartier, et donc du travail de quartier. La pandémie a également montré très clairement l’importance du bon fonctionnement des voisinages pour la cohésion de la société. Les quartiers sont donc cruciaux pour un urbanisme durable. De fait, étant la source et la base de l’engagement civique, ils sont indispensables pour la résilience des villes. Mais ce n’est pas tout: les quartiers sont aussi des laboratoires pour l’avenir urbain. Car ici, nous pouvons essayer à petite échelle ce qui est censé fonctionner plus tard à grande échelle.

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