«L'ensemble de la société en bénéficie»
La LHand exige que les installations des transports publics soient rendues utilisables de manière autonome par les personnes en situation de handicap d’ici la fin de l’année (2023). La Ville de Berne est-elle en voie de satisfaire à ces exigences?
En ce qui concerne les marquages destinés aux personnes malvoyantes au niveau des arrêts, nous tenons largement le cap. Pour les personnes à mobilité réduite et celles en fauteuil roulant, la priorité réside avant tout dans le rehaussement des bordures d’arrêt. Selon l’état actuel, environ un cinquième des quelque 400 bordures d’arrêt de trams et bus urbains satisfont aux exigences de la LHand. Pour l’heure, l’objectif n’est malheureusement pas encore atteint – admettons-le. Il nous faudra encore plusieurs années pour adapter l’ensemble des bordures d’arrêt. Ce constat vaut cependant aussi pour de nombreuses autres villes et communes; cela s'explique surtout par le fait que les directives générales applicables à l’échelon national sur la manière dont la LHand est à mettre en œuvre dans le domaine des transports n’existent que depuis 2014. Depuis lors, tous les projets sont mis en œuvre conformément à ces directives. Nous ne pouvons toutefois pas aménager tous les arrêts en même temps, vu que cela limiterait trop fortement les TP.
« Nous ne pouvons toutefois pas aménager tous les arrêts en même temps »
Quels sont les projets actuellement en préparation?
Ces trois dernières années, nous avons adapté quatre arrêts pilotes aux besoins des personnes en situation de handicap, ce qui nous a permis de recueillir d’importants enseignements. La transformation des arrêts à large échelle constitue un défi sur le plan technique et financier. En même temps, il faut tenir compte des aspects liés à la protection des monuments historiques, notamment dans les centres urbains. Dans les lieux où nous devons de toute façon assainir les voies, les conduites ou le revêtement routier, nous pouvons mettre à profit des synergies. Dès cette année, nous nous attaquons en outre à une petite centaine d’autres arrêts dont l’adaptation est relativement urgente mais qui ne se trouvent pas dans le périmètre d’un autre projet. Nos objectifs de réaménagement pour les années à venir ne concernent toutefois pas que les arrêts de bus et de trams, mais nous voulons aussi adapter les espaces verts et les feux de signalisation aux besoins des personnes en situation de handicap. La loi ne prévoit certes pas d’obligation impérative de mise en œuvre pour les installations existantes, mais nous avons la volonté de faire plus que le strict minimum et envisageons d’adapter la totalité de l’espace public aux besoins des personnes en situation de handicap.
Les personnes en situation de handicap doivent pouvoir utiliser les TP de manière autonome: qu’est-ce que cela signifie concrètement pour vous en termes de mise en œuvre ?
Les arrêts des TP sont en principe à aménager de sorte à permettre à toute personne d’accéder aux véhicules et d’en descendre de manière autonome, donc sans l’aide de tiers. Pour les personnes ayant un handicap de la vue, la zone d’embarquement doit être repérable. Les personnes en fauteuil roulant ou celles utilisant un déambulateur ont besoin d’un accès de plain-pied entre le quai et le véhicule des TP. Concrètement, cela signifie que les bordures des arrêts de bus doivent être rehaussées à 22 cm et celles des arrêts de trams à 27 cm. Le rehaussement des bordures d’arrêt entraîne d’autres modifications architecturales. Ainsi il se peut par exemple que des arrêts nécessitent d’être élargis ou des halls d’attente déplacés afin d’offrir suffisamment de surface de manœuvre aux personnes en fauteuil roulant. D’autre part, les arrêts en encoche doivent être allongés afin d’éviter, en raison de la bordure d’arrêt surélevée, le risque d’endommager la carrosserie lorsque le bus oblique. Ces mesures impactent par ailleurs souvent les conduites et ouvrages en souterrain, entraînant des travaux de plus grande ampleur.
Quelles ont été les difficultés à imposer la mise en œuvre sur le plan politique?
Dans la Ville de Berne, le réaménagement des installations de TP et de l’espace public en fonction des besoins des personnes en situation de handicap est largement incontesté sur le plan politique. Les difficultés se situent au niveau de son financement – et aussi au niveau opérationnel. La mise en œuvre dans la pratique représente une tâche colossale pour nos employées et nos prestataires.
« La mise en œuvre dans la pratique représente une tâche colossale »
Et quels sont les défis majeurs que pose l’adaptation des TP aux besoins des personnes en situation de handicap?
Le défi réside en particulier dans la recherche de solutions adaptées aux besoins des en situation de handicap qui soient le moins opposées possible aux intérêts et nécessités d’autres groupes d’usagers, comme par exemple les piétons et les cyclistes. De plus, ces solutions doivent être compatibles avec nos efforts qui consistent à aménager la ville de façon à mieux résister aux canicules. C’est pourquoi il est indispensable que nos concepts et mesures bénéficient d’un large soutien. Cela pourrait allonger quelque peu les délais, mais en contrepartie nous disposerons ainsi de solutions viables également sur la durée.
Comment se déroule la collaboration avec les organisations en situation de handicap?
Il s’agit d’une étroite collaboration qui se poursuit à divers échelons. Des échanges réguliers au sujet des mesures concrètes et des priorités en matière de mise en œuvre ont lieu notamment dans le cadre du groupe de travail espace public, dans lequel plusieurs organisations de personnes en situation de handicap sont représentées. Les spécialistes de l’entreprise «Sensability – Expertise für Inklusion» y sont eux aussi ponctuellement associés.
Quelle est la dimension sociétale d’un réseau de TP sans barrières?
Je suis convaincue que des TP adaptés aux besoins des personnes en situation de handicap profitent à l’ensemble de la société. Les adaptations sont importantes non seulement pour les personnes se déplaçant avec des poussettes ou des bagages lourds, mais aussi pour les personnes plus âgées et restreintes dans leur capacité à marcher. Compte tenu de l’évolution démographique, cette plus-value ne doit pas être sous-estimée. En aménageant les TP en fonction des besoins des personnes en situation de handicap dans la totalité de l’espace public, nous envoyons en outre un signal fort: nous montrons ainsi notre volonté à être une ville dans laquelle chacun-e se trouve en sécurité et peut se déplacer de manière autonome. Notre démarche relève d’un caractère résolument inclusif qui irradie sur la société toute entière.
Mareike Kruit (PS), directrice des ponts et chaussées, des transports et des espaces verts de la Ville de Berne. Marieke Kruit a été élue au Conseil municipal de la Ville de Berne (exécutif) le 1er janvier 2021. Depuis lors, elle est directrice des ponts et chaussées, des transports et des espaces verts. Auparavant elle a siégé durant sept ans au Conseil de ville (Parlement). Marieke Kruit est psychologue et psychothérapeute (lic. phil.) et occupait, avant son élection au gouvernement de la Ville de Berne, des fonctions dirigeantes au sein des Services de psychiatrie de Haute-Argovie et de Thoune.