Des logements pour une population diverse, terreau d’urbanité
Monika Litscher, vice-directrice de l'Union des villes suisses
Depuis un bon siècle, les villes savent qu’elles ne doivent pas leurs qualités urbaines à leur seule densité et taille, mais surtout à une société urbaine diversifiée. Pour permettre à une pluralité sociale et culturelle de se développer, il est crucial de pouvoir offrir des logements et un cadre de vie à des personnes, des types de ménages et des milieux très divers.
Une telle offre est rendue possible, ou impossible, par des conditions générales en matière d’architecture et d’aménagement urbains qui soient intégrées à des processus politiques, de planification et juridiques fiables. La volonté politique et l’engagement des pouvoirs publics qui, de concert avec des acteurs privés, la science et la société civile, conçoivent l’espace urbain de manière utile et responsable, en constituent la base. Lorsque des personnes, notamment celles élevant seules leurs enfants, des familles, des étudiant-e-s et des professionnel-le-s de la culture ne trouvent plus de logement en ville en raison de leur budget ou du manque d'offre, cela remet en question le tissu urbain et pose des défis de taille à la politique urbaine.
Développement interne à l’état embryonnaire
Un maillage relationnel fécond dans les espaces urbains se caractérise par la coexistence de divers modes de vie urbains: ils se frottent les uns aux autres et échangent entre eux. Un jour ils sont proches, un autre jour distants. Parfois ils sont vécus comme étrangers et non-conventionnels, parfois comme établis et familiers. C’est ainsi que se développe une culture urbaine. Des atmosphères, des aspirations et images d’urbanité y sont liées. Des idées d’urbanité sont développées en permanence. Elles sont marquées par des principes normatifs. Parmi celles-ci figure, en Suisse, le développement interne qui a recours à des processus de planification et d’aménagement ancrés à tous les échelons étatiques, et qui dépend d’une évolution participative. Dans l’espace urbain, il en est encore à l’état embryonnaire et nécessite à présent des mesures créatives visant à allier habitat financièrement abordable et principes de la ville de proximité. Cette démarche est en outre guidée par les conditions de vie et les exigences de consommation changées d’un nombre croissant de personnes ainsi que par le devoir de transformation durable et globale d’une ville bleue et verte qui se veut juste et attrayante.
Diverses causes aux prix élevés et à l’offre restreinte
Quant à la rareté des logements en ville, le constat n’est pas nouveau. La pénurie concerne désormais presque toutes les villes, petites et grandes, surtout dans le segment peu onéreux. Des données et résultats d’analyses concluent à des causes telles que le nombre plus restreint de personnes par ménage et l’agrandissement des surfaces habitables ou encore le nombre insuffisant de logements construits. Ce dernier élément est le résultat du manque de terrains à bâtir et de la fin des intérêts négatifs, notamment dans les villes. S’ajoutent à cela la grande complexité des projets, la hausse du prix de la construction, la multitude de directives et les longues procédures qui incluent des oppositions.
«La pénurie concerne désormais presque toutes les villes, petites et grandes, surtout dans le segment peu onéreux.»
Les pouvoirs publics respectivement les villes entendent à présent sonder leurs potentialités d’action: celles-ci portent sur le droit de préemption, sur les terrains à bâtir et sur la situation de propriété. Au niveau local et au-delà des échelons étatiques et domaines spécialisés, il convient également de mettre en œuvre les bases légales, les processus de planification et les règles en vigueur - également de concert avec les acteurs privés - et de créer des logements là où les infrastructures existantes permettent de telles synergies. Dans le cadre des actuelles discussions et des processus d’apprentissage au sujet de nouvelles conditions nationales qui soient propres à inclure également la pesée de potentiels conflits d’objectifs, il convient de garantir les qualités d’attraction de l’urbanité qui soient propices à assurer une diversité de modes de vie urbains et à faire ainsi progresser les transformations sociétales, économiques et écologiques.