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Les villes veulent concilier protection contre le bruit et développement urbain

4 décembre 2023 – Le bruit est incommodant, nocif pour la santé et l’économie – et difficile à concilier avec un développement urbain de qualité. Lors de la révision de la loi sur la protection de l’environnement (LPE) en cours, les débats portent sur la négociation des différents intérêts. Actuellement, des prescriptions en matière de bruit bloquent des projets de construction. L’Union des villes salue une prochaine clarification du problème, mais le Conseil fédéral et la Commission du Conseil des États (CEATE-CE) vont trop loin: la construction est placée unilatéralement au-dessus du développement urbain. Un moyen bien plus efficace serait de lutter contre le bruit à la source, notamment en imposant des réductions de la vitesse au trafic routier.

Monika Litscher, vice-directrice de l’Union des villes suisses

 

Les villes veulent et doivent se développer vers l’intérieur et permettre au plus grand nombre de personnes de vivre et de travailler dans des conditions attrayantes, saines et satisfaisantes. En créant des logements destinés à une population croissante, elles apportent une contribution importante à la prospérité de la Suisse. Un défi majeur réside dans le bruit: aujourd’hui, plus d’un million de personnes souffrent des conséquences du bruit, 90% d’entre elles dans les villes et les agglomérations. Il en résulte de graves dommages pour la santé et l’économie. Le bruit impacte également le secteur de la construction et de l’immobilier, vu qu’il réduit la valeur des propriétés et conduit au blocage de nombreux projets.

 

Proposition du Conseil fédéral: oui à l’orientation donnée – correctifs souhaités

Le conflit d’objectifs entre la protection contre le bruit et un développement urbain de qualité est bien connu. Dans le cadre de la révision de la loi sur la protection de l’environnement, le Conseil fédéral propose des solutions dont le Conseil des États débattra lors de la prochaine session d'hiver. L’Union des villes salue l'orientation donnée à ce projet dans son principe, mais le considère comme insuffisant. La construction est en effet unilatéralement placée au-dessus d’un développement urbain durable. Afin de permettre à ce dernier de progresser, l’Union des villes demande que la protection contre le bruit y soit intégrée et que le bruit soit combattu à la source (cf. le document de position La protection contre le bruit dans les villes). Pour y parvenir, des mesures d’optimisation compatibles en termes d’architecture urbaine sont nécessaires. Seule une telle combinaison est à même de tenir compte de la réalité actuelle des espaces urbanisés à forte densité de population. Cela permet à la fois de répondre aux exigences de qualité des villes et d’améliorer les chances de voir des projets de construction autorisés.

 

Appliquer le principe de causalité, respecter les valeurs limites

Les villes exigent davantage de marge de manœuvre pour pouvoir agir de leur propre chef et avec simplicité. Si l’on évite d’emblée de dépasser les valeurs limites, le milieu urbain gagne en qualité de vie pour tous, pour la population résidente et les commerces. Il s’agit d’une condition nécessaire au développement intérieur des villes. Cette transformation n’est acceptée qu’à cette condition. L’admissibilité des projets s’en trouve en outre sensiblement améliorée. Un niveau de nuisances sonores moindre rehausse non seulement la valeur de l’espace urbain, mais aussi celle de l’immobilier. Au niveau de la loi, cette approche qui consiste à réduire le bruit à la source est en principe déjà inscrite dans le droit de l’environnement depuis le milieu des années 1980 à titre du principe de causalité. Or, son application piétine notamment en ce qui concerne la réduction du bruit dû au trafic routier, qui est de loin la plus importante source de bruit. À présent, les villes demandent à pouvoir mettre en œuvre elles-mêmes des mesures opérationnelles sur leur territoire lorsque l’autorité compétente tarde à agir. Il est connu qu’une réduction de la vitesse de 50 à 30 km/h permet de détendre très sensiblement la situation; il s’agit d’une mesure facilement applicable, peu coûteuse et efficace (cf. position CVM). Cela signifie concrètement que si les valeurs limites ne sont pas respectées, soit l’autorité compétente, soit - si celle-ci n’agit pas - les villes doivent pouvoir ordonner notamment des mesures visant à réduire les émissions à la source sur leur territoire. Ce principe doit s’appliquer aux autorisations de construire et aux zones à bâtir. À cette fin, il est nécessaire d’ajouter une disposition à la loi sur la circulation routière LCR. Les propositions faites à présent par la minorité de la Commission du Conseil des États concernant l’art. 24 al. 3 LPE ainsi que la disposition supplémentaire dans l’art. 32 LCR vont dans ce sens et doivent être soutenues.

 

Des mesures conjointes améliorent le cadre et la qualité de vie, tout en économisant les ressources

Lorsqu’il est possible aux villes et aux communes de réduire facilement et sans requête préalable les limitations de vitesse et donc le bruit, cela ne rend pas pour autant caduques les mesures antibruit en cours au niveau des infrastructures. De nombreuses zones urbaines très denses nécessitent souvent diverses approches sous différents angles. La Ville de Fribourg, par exemple, ne parvient à maîtriser le bruit que par la mise en œuvre de mesures d’ordre opérationnel. Elle a introduit, dès octobre 2023, une vitesse maximale de 30 km/h sur environ 60% de son réseau routier (cf. processus et information). Les revêtements de routes absorbant le bruit, mis en place depuis 2011 sur divers tronçons, n’ont pas suffi à réduire suffisamment le bruit. Le site Strassenlärm 4D Viewer de la Ville de Zurich fournit également des informations sur le bruit engendré par le trafic routier. Il montre quelles sont les mesures antibruit appliquées en ville qui s’avèrent efficaces, et de quelle manière; il indique en outre que plusieurs mesures sont nécessaires dans certains lieux. Les enjeux financiers sont souvent importants pour les villes de petite et moyenne taille, étant donné que les réductions de la vitesse permettent d’économiser des coûts liés à des rénovations et des travaux d’assainissement onéreux et, le cas échéant, douteux en termes d’architecture urbaine (p. ex. Bernstrasse à Burgdorf). Cela permet par ailleurs aux communes et aux cantons d’économiser des ressources, de l’argent et du personnel pour le dépôt et le traitement de demandes.

 

Optimisation du bruit et mesures compensatoires adéquates en termes d’architecture urbaine

Dans le cas où ni la directive visant à appliquer le principe d’une réduction du bruit à la source, ni la compétence communale de prendre des mesures opérationnelles (à savoir notamment des réductions de la vitesse) ne s’avèrent suffisantes, les villes plaident en faveur des mesures supplémentaires suivantes: optimisation du bruit et pratique dite de la fenêtre d’aération ainsi que la proposition du Conseil fédéral qui comprend des mesures compensatoires. Lors d’autorisations de construire, il est ainsi possible de recourir aux bases élaborées, conjointement avec l’OFEV, par des spécialistes cantonaux et communaux en matière de planification et de protection contre le bruit dans le cadre des préparatifs à la révision et en réponse à la motion Flach 16.3529. De cette manière, les dispositions du droit de la construction en matière de protection contre le bruit sont adaptées de sorte à permettre la mise en œuvre d’une culture architecturale élevée et avec la plus grande sécurité juridique possible. Si l’on veut que les villes soient agréables à vivre – aujourd’hui et à l’avenir – il est en effet nécessaire que la construction urbaine soit durable et de grande qualité, offrant des façades esthétiquement plaisantes, des espaces intérieurs et des appartements intelligemment agencés ainsi que des espaces extérieurs attrayants et situés au calme. Ces exigences ne sont remplies ni par la présente adaptation de la LPE, ni par les propositions d’adaptations formulées par la Commission. C’est pourquoi l’Union des villes plaide pour que l’on entre en matière sur les propositions de la minorité relatives à l’art. 22 également concernant les autorisations de construire. Celles-ci se réfèrent justement à cette base collectivement élaborée et promettent par ailleurs d’être de nature à réunir une majorité. Autrement dit, dans chaque pièce exposée au bruit, il convient de prévoir au moins une fenêtre du côté calme. Si cela n’est pas possible, une pièce calme et une pièce extérieure calme doivent être garanties.

 

Pour réussir le développement intérieur des villes, il faut intégrer la protection contre le bruit

Avec leur proposition au sens d’une combinaison pragmatique, les villes montrent comment peut et doit réussir une bonne protection contre le bruit en zone urbanisée. Par le biais de la compétence communale consistant à prendre des mesures opérationnelles sur leur territoire afin de réduire le bruit à la source, les villes peuvent, si l’autorité compétente n’agit pas, y apporter une contribution importante. Cela profite à tous, autant à la société qu’à l’économie et au secteur du bâtiment. C’est la raison pour laquelle il convient d’inscrire cette compétence communale explicitement dans la LPE et dans la LCR. Dans un deuxième temps, il faut tirer les enseignements de l’expérience en matière de construction urbaine et inscrire les mesures d’optimisation soigneusement élaborées dans les articles de la loi qui concernent les autorisations de construire et les zones à bâtir. La sécurité juridique s’en trouve améliorée et cela permet le développement vers l’intérieur. Du point de vue des villes, il n’y a aucune raison d’accorder la primauté aux projets de construction au détriment de la protection contre le bruit ou de la qualité de séjour et de vie de la population résidente. Il convient bien davantage de saisir l’opportunité et de combiner protection contre le bruit et développement urbain de haute qualité.

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