Acceptation du développement vers l'interieur: un défi
Le développement vers l'intérieur est une tâche essentielle des villes. Elle relève d’un mandat découlant de la révision de la loi sur l’aménagement du territoire datant de 2014 (LAT 1). Cette révision s’est donné pour but non seulement d’endiguer le mitage du territoire par des mesures d’aménagement du territoire, mais aussi de mieux préserver et protéger la nature et le paysage cultivé. Les futures constructions doivent être réalisées dans des sites déjà bâtis et bénéficiant de ce fait d’une bonne desserte. Ce développement vers l’intérieur doit s’effectuer par des changements d’affectation ou des reclassements de zones. Les classements en zones à bâtir sont plutôt à éviter, en particulier en périphérie: la LAT 1 exige en effet que 80% de la future croissance ait lieu dans les villes. Cela fait des villes les principales responsables en matière de développement vers l’intérieur.
La révision de la loi sur l’aménagement du territoire a été adoptée en mars 2013 par une majorité de 62.9% des voix. Lors de son adoption, la promotion du développement vers l'intérieur bénéficiait d’un large consensus parmi la population et d’un fort taux d’acceptation. Or ces dernières années, il se trouve que les projets de développement vers l’intérieur sont plus souvent rejetés lors des votations populaires. Cela place les villes face à des défis quant au mandat légal qu’elles sont tenues de remplir. Le développement vers l’intérieur est une notion générique qui porte sur des projets les plus divers ayant pour conséquence une hausse de la densité de construction et/ou d’utilisation. De tels projets peuvent s’avérer être de nature très variable. Cela vaut la peine de jeter un coup d’œil sur les différents facteurs qui influencent le type de projet à réaliser et en favorisent l’acceptation. Les facteurs favorisants sont décrits dans l’étude «Öffentliche Akzeptanz und Politik für eine grüne und bezahlbare Innenverdichtung» [acceptation publique et politique en faveur d’une urbanisation interne verte et abordable].
Cette étude de l’EPF de Zurich montre, premièrement, que les projets de développement intérieur verts et abordables ont davantage de chances d’être acceptés par la population. Ils doivent tenir compte de la protection du climat, intégrer des mesures d’adaptation climatique et créer des espaces verts accessibles à la population de la ville.
Deuxièmement, le taux d’acceptation est plus élevé lorsque les projets sont réalisés (du moins en partie) par des maîtres d’ouvrage d’utilité publique et/ou qu’ils créent une certaine proportion de logements. Les projets de développement intérieur peuvent être coûteux et entraîner de fortes hausses de loyers pour les locataires, voire même des résiliations collectives des contrats de location. C’est pourquoi il importe d’y accorder une attention particulière: les villes ont donc intérêt à œuvrer en faveur de la préservation et de la création de logements abordables.
Troisièmement, le rapport de l’EPF souligne que le développement intérieur basé sur des processus démocratiques – donc en accord entre la planification et les souhaits du public – peut avoir un impact positif sur le taux d’acceptation des projets. Il s’agit de communiquer et de concevoir les processus de manière précoce et transparente. Pour cette raison, les villes optent pour le type de processus qui permet à la population des quartiers d’en retirer un maximum de plus-value; elles négocient la création de qualités urbaines avec les équipes de planification et font en sorte que les habitantes et habitants puissent participer aux processus d’aménagement. La notion de développement intérieur selon des principes démocratiques implique en outre le fait d’associer la population à travers des votations populaires et des processus participatifs.
Cet aspect influe lui aussi de manière positive sur l’acceptation de tels projets. Un processus participatif exige notamment d’être correctement mis en œuvre afin d’éviter une issue décevante. Ainsi, il nécessite d’être exempt d’a priori quant à son résultat et ne sert pas à rallier la population à un projet préétabli. D’autre part, cela peut être utile de réfléchir au groupe cible d’un tel processus participatif. Au cœur de tels processus sont placées la négociation de plus-values pour la population du quartier, la préservation et la création de diversité dans l’espace urbain et résidentiel ainsi que la participation à la réflexion sur la conception de logements correspondant aux besoins – c’est notamment en faveur de ces éléments-là que les villes s’engagent, comme précisé dans le document de position.
Un dernier élément réside dans la prise en compte des contextes locaux. La hauteur des bâtiments en est un exemple. Il se peut que des bâtiments à six étages soient compatibles avec un quartier donné, tandis que dans d’autres quartiers, trois étages suffisent déjà à contribuer à la densification. Il est donc nécessaire que les villes réfléchissent, à travers leurs plans d’affectation des zones, leurs plans d’affectation spécifiques ainsi que leurs stratégies en matière de foncier et de logements, à la question de savoir quel type de projet est compatible avec un quartier donné. À cet égard, les villes sont à la fois conservatrices et visionnaires. Elles préservent et créent des qualités urbaines telles que des distances courtes, de la diversité et des lieus de rencontres. Les villes se conçoivent comme des garantes de la qualité et œuvrent durant les processus de développement pour la durabilité dans toutes ses dimensions et pour une culture du bâti de haute qualité.