Programme d’allègement de la Confédération : arrêtons d’économiser à tout va
L’éventail des programmes d’économies de la Confédération est vaste – et met à contribution pratiquement tous les domaines de la société. Moins d’argent pour les transports publics, l’intégration et la prévoyance sociale, la formation, la recherche et l’innovation, la protection du climat, la culture, l’encouragement du sport ou des médias, pour ne citer que quelques éléments d'une longue liste. D'ici 2028, il est prévu d'économiser environ 6,3 milliards de francs au total. Sont particulièrement concernées les tâches de formation, d'intégration et d'innovation, sans compter d'autres prestations fournies par les villes à leur population qui font d'elles des lieux de vie tolérants, prospères et stables, et donc attrayants pour l'économie dans son ensemble.
Bon nombre de ces mesures entraîneraient des réductions de prestations directes pour la population urbaine. Les villes en verraient les conséquences directement et devraient assumer elles-mêmes les tâches délaissées par la Confédération. Contrairement aux affirmations du Conseil fédéral, le programme d’allègement budgétaire modifie ainsi bel et bien le principe de la répartition des tâches entre les trois échelons étatiques. Il anticipe en outre le projet de désenchevêtrement des niveaux de l’État, sans les consulter. Ainsi, les villes deviennent des fournisseuses de prestations centrales dans de nombreux domaines.
Qui paie commande
Si la Confédération procède au transfert de charges ou de prestations financières vers d’autres échelons de l’État, en abandonnant ainsi ses tâches, alors ceux qui s’en occupent doivent se voir conférer davantage de compétences. Cela vaut aussi bien pour les différentes politiques sectorielles concernées que pour le processus proprement dit. En conséquence, la Confédération devrait s’assurer d’impliquer davantage et de manière plus adéquate les villes dans l'élaboration de sa politique de rigueur budgétaire et financière. Or, tel est malheureusement loin d'être le cas.
Manque de prise en compte des villes
Les villes sont certes appelées à participer à la consultation relative à la loi fédérale sur le programme d’allègement budgétaire 2027 en cours. Mais il est regrettable que cela ne concerne que 36 mesures; les 23 mesures restantes ne nécessitent pas de modification législative et font partie du projet sous forme d’un acte modificateur unique. Le Conseil fédéral évite ainsi délibérément le débat public sur ces mesures, qui représentent 1,5 milliard de francs d'ici 2028. Pourtant, elles ne concernent pas des domaines propres de la Confédération, puisqu’il s’agit de programmes partagés avec les autres niveaux de l’Etat. Cette situation est d'autant plus choquante que l'Union des villes suisses n'a pas davantage été consultée, lors de l’élaboration des mesures, malgré sa tentative d’établir le dialogue.
Selon l’art. 50 de la Constitution fédérale, la Confédération tient compte des conséquences éventuelles de son activité pour les communes et, ce faisant, elle prend en considération la situation particulière des villes et des agglomérations urbaines. L’ordonnance sur l’organisation du gouvernement et de l’administration OLOGA (art. 15a) prévoit en outre que lorsqu’un projet de la Confédération touche à des intérêts cantonaux ou communaux essentiels, la Confédération y associe les communes et les villes.
Par conséquent, si la Confédération s’en tient à la Constitution et au texte de loi, elle est tenue de mieux impliquer les villes dans la loi fédérale sur ce programme d’allègement budgétaire. Les villes exigent d’être dûment et suffisamment associées à l'élaboration des mesures d'allègement budgétaire et des transferts de tâches.
Perte de confiance
Plusieurs mesures prévoient des réductions ou des suppressions de fonds n’ayant été attribuées que récemment. Il s’agit de décisions prises aussi bien par le peuple que par le Parlement, telles que la loi sur le CO2, le rejet de l’aménagement des routes nationales ou l’approbation de l’aménagement de l’infrastructure ferroviaire.
Le non-respect de ces décisions récentes entraîne une perte de confiance à l’égard des mécanismes démocratiques et touche ainsi l’ensemble des trois niveaux étatiques, à savoir la Confédération, les cantons ainsi que les villes et les communes. Les villes exigent de la Confédération qu’elle prenne en compte les décisions prises de manière démocratique par le Parlement ou le peuple. En tant qu’actrices du progrès (par exemple dans les domaines des transports et de l’environnement), les villes ont besoin de conditions générales fiables et stables pour pouvoir planifier et mettre en œuvre leurs projets dans ces domaines.
Encore davantage de renchérissement à l’avenir
Les mesures de la Confédération ne vont pas seulement à l'encontre des exigences d'une société innovante, urbaine et sociale, mais aussi d'une société tournée vers l'avenir. Considérées à la lumière des liens entre la force économique de notre pays, les chaînes de création de valeur résilientes, la cohésion sociale et une gestion responsable de la crise écologique, bon nombre de ces mesures d'économies et de réduction de tâches - notamment dans la promotion de la santé, la protection du climat, les transports publics, l'intégration, l'innovation et la formation - semblent relever d’une vision à très court terme. Elles mènent en effet inévitablement à un avenir où les coûts subséquents seront plus élevés. Comme la Confédération prévoit en outre, par le biais de l'adaptation de la loi sur les subventions, que sa contribution ne pourra désormais plus excéder les 50% des coûts d'une tâche soutenue, les autres niveaux de l'État devront fatalement non seulement supporter davantage de charges, mais aussi, à moyen et long terme, assumer seuls les coûts subséquents liés à cette politique d'économies à court terme. Et ce, alors bien même que la Confédération a pour mission de mettre à disposition des biens publics tels que les mesures de protection du climat, la protection en cas de catastrophes ou la biodiversité et de garantir l'égalité des chances.
Les villes exigent que la Confédération exclue les mesures d’économies et les transferts de tâches décidés unilatéralement, lorsque leurs effets à moyen et long terme impliquent des surcoûts à la charge de la Confédération ou des autres niveaux de l’Etat. Afin d’éviter cela, il est indispensable d’impliquer les communes, et donc les villes, dans la planification des mesures. Grâce à leur politique de proximité, les villes et les communes sont en effet plus proches de la population et parfois plus à même de prévoir les coûts subséquents.
Conclusions
Du point de vue des villes, la manière de procéder du Conseil fédéral en ce qui concerne le programme d’allègement budgétaire est très insatisfaisante. Les villes sont cependant prêtes à participer à un débat constructif sur le programme d’allègement budgétaire et à définir, en collaboration avec tous les niveaux de l’État, les mesures permettant d’atteindre l’objectif visé.
- Les villes demandent à la Confédération de permettre la tenue d’un débat public sur les mesures d’économies et de déterminer les mesures appropriées en concertation avec les autres niveaux de l’État.
- Les villes considèrent que les mesures d'économies appropriées sont celles qui n'empêchent pas l'innovation, même à long terme, et qui ne constituent pas un frein au développement économique et social de la Suisse.
- Les villes refusent sur le principe les mesures d'économies qui vont à l'encontre des décisions démocratiques prises par le peuple et le Parlement - du moins celles datant des cinq dernières années.
- Les villes refusent sur le principe les mesures d’économies qui font partie du projet « désenchevêtrement 27 » ou d’autres projets en cours.
- Les villes demandent à la Confédération d’assumer ses tâches et de ne pas transférer de charges financières vers d’autres niveaux de l’État. Dans le cadre de l’adaptation de la loi sur les subventions, la Confédération doit renoncer à son intention de ne prendre à sa charge que 50% des coûts d’une tâche au maximum.
- Les villes exigent de se voir conférer, pour les prestations qu’elles sont tenues de prendre en charge, davantage de compétences dans la politique sectorielle en particulier et, de manière générale, également dans le processus proprement dit.