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Garder son logement : un enjeu majeur de plus pour les personnes à l’aide sociale

28 octobre 2025 – Les villes affichent globalement des chiffres stables en matière d'aide sociale, alors que la population suisse augmente. C'est ce que montre le rapport de l'Initiative des villes pour la politique sociale, qui évalue chaque année les données relatives à l'aide sociale de 14 villes suisses. Une étude sur le thème « Logement et aide sociale » complète le rapport, incluant pour la première fois 6 villes romandes supplémentaires. Le constat est préoccupant : la pénurie de logements abordables augmente, notamment pour les bénéficiaires de l'aide sociale, pouvant entraîner des expulsions et des charges supplémentaires pour les villes.

Depuis plusieurs années, le marché du logement est très tendu en Suisse, avec un taux de vacance souvent en dessous de 1% dans certaines régions. Ce contexte représente un enjeu majeur et croissant pour les personnes à l’aide sociale. Dans un tel marché, l'offre de logements abordables et de logements sociaux est très limitée. Ce constat est formulé de manière unanime par les services sociaux des villes suisses participant à l’étude « Logement et aide sociale » présentée dans le rapport annuel de l'Initiative des villes pour la politique sociale. 


Par ailleurs, seize des vingt villes interrogées indiquent que le nombre de personnes menacées de perdre leur logement a augmenté au cours des cinq dernières années, touchant particulièrement les bénéficiaires de l’aide sociale. « Outre les contraintes financières qui limitent les chances de trouver un logement, la stigmatisation liée notamment au recours à l’aide sociale, à l’origine ou à l’existence de poursuites complique les chances de trouver un logement pour les personnes à faible revenu », explique Michelle Beyeler, professeure associée en sciences politiques à l'Université de Zurich et autrice du chapitre « Logement et aide sociale ». Ces difficultés peuvent avoir des conséquences négatives sur l’emploi, la scolarisation des enfants ou encore la vie sociale. De plus, les bénéficiaires de l’aide sociale sont souvent les premières touchées par les expulsions sur le marché du logement. 


Pour y faire face, les services sociaux déploient des dispositifs particuliers pour permettre à leurs bénéficiaires de trouver ou conserver un logement stable. Parmi les outils utilisés figurent l’augmentation des normes de prise en charge des loyers ou encore les aides financières ponctuelles. « Mais la marge de manoeuvre est limitée », explique Nicolas Galladé président de l’Initiative des Villes pour la politique sociale, « car la pénurie de logements est un problème général que l'aide sociale ne peut pas résoudre ».

 

A cela s’ajoute la revalorisation systématique de logements qui induit des hausses continues et souvent non justifiées des loyers. « L’immense majorité des bénéficiaires de l’aide sociale sont locataires. Les aider à faire valoir leurs droits notamment pour s’opposer aux hausses injustifiées du loyer, c’est leur permettre de conserver un logement à loyer abordable et leur vie sociale locale » appuie Émilie Moeschler, vice-présidente de l’Initiative des Villes pour la politique sociale. Dans ce but, les villes activent plusieurs leviers, comme les services de conseils et d’accompagnement pour les locataires. Émilie Moeschler ajoute, « lutter contre les phénomènes de type spéculatif, c’est aussi limiter les coûts assumés par les pouvoir publics ». 


Renforcer le monitoring dans le domaine du logement 
Les évaluations systématiques sur le thème « logement et aide sociale » sont rares dans les villes suisses, c'est pourquoi la mise en place d’un monitoring fiable est nécessaire. Cette étude de l’Initiative des Villes pour la politique sociale représente ici une première étape dans cette direction. En plus des 14 villes participant régulièrement au rapport (dont Bienne et Lausanne), six autres villes de Suisse romande ont participé à l'enquête sur la situation du logement : Genève, Neuchâtel, Fribourg, La Chaux-de-Fonds, Sion et Yverdon. Les enjeux sont globalement comparables à ceux de la Suisse alémanique.

 

Aide sociale stable et modernisation de la statistique de l'aide sociale 
Le taux d'aide sociale n'a pratiquement pas changé l'année dernière, avec un écart de -0,1% par rapport à l'année précédente pour l'ensemble des quatorze villes évaluées. Il était de 2,8% en 2023, et pour l'ensemble de la Suisse. A noter que les taux d'aide sociale sont généralement plus faibles dans les zones rurales que dans les centres urbains.

 

La partie standard du rapport sur les indicateurs est rédigée chaque année par l'Office fédéral de la statistique. Les statistiques de l'aide sociale sont actuellement dans un important processus de modernisation. Cette transition a pour conséquence que les changements intervenus entre 2023 et 2024 se traduisent par des chiffres peu significatifs, qui doivent être interprétés avec prudence.

 

Cette modernisation présente toutefois des avantages : dans le futur, les chiffres pourront être évalués plus rapidement et des comparaisons plus précises seront possibles. Le rapport sur les indicateurs est un instrument indispensable pour l'aide sociale.

 

Bon à savoir 
Le taux d'aide sociale indique la proportion de bénéficiaires de l'aide sociale par rapport à la population résidente permanente au cours d'une année civile. Sont considérées comme bénéficiaires de l'aide sociale au cours d'une année civile toutes les personnes qui ont reçu une aide financière de l'aide sociale pendant au moins un mois.

 

L’essentiel en bref 


Les chiffres de l’aide sociale restent constants : sur l’ensemble des villes, seuls des changements minimes par rapport à l’année précédente sont signalés.


Augmentation liée à la croissance démographique : le nombre de personnes bénéficiant d’une aide sociale augmente légèrement mais moins fortement que la croissance démographique, ce qui explique pourquoi le taux d’aide sociale considéré sur l’ensemble des villes est en légère baisse. 


Logement et aide sociale : la situation tendue sur le front de l’immobilier dans les zones urbaines, où le taux de logements vacants est très faible, fait l’objet du chapitre spécial du rapport sur les indicateurs de cette année ; pour ce travail, l’enquête a inclus six villes supplémentaires de Suisse romande (Genève, Neuchâtel, Fribourg, La Chaux-de-Fonds, Sion et Yverdon). 


Manque de logements à loyers modérés : les services sociaux interrogés estiment globalement que l’offre de logements à loyers modérés est insuffisante ; il en va de même, à leur avis, pour les logements sociaux ou les logements dont le loyer est fixé sur la base des coûts (modèle selon lequel le loyer inclut les coûts réels incombant au bailleur, sans recherche de bénéfice). 


Phénomène d’éviction en progression : sur les vingt services sociaux interrogés, seize estiment que le nombre de personnes menacées de perdre leur logement a augmenté au cours des cinq dernières années. 


Quatorze villes comparées : quatorze villes sont impliquées dans l’édition actuelle du rapport sur les indicateurs « Aide sociale dans des villes suisses » : Bâle, Berne, Bienne, Coire, Lausanne, Lucerne, Saint-Gall, Schaffhouse, Schlieren, Uster, Wädenswil, Winterthour, Zoug et Zurich ; ces quatorze villes accueillent un quart environ des bénéficiaires de l’aide sociale enregistrés en Suisse. Six autres villes de Suisse romande ont participé à l’étude sur le thème central « Logement ». 


Modernisation de la statistique de l’aide sociale : les évolutions constatées entre 2023 et 2024 ne correspondent pas toujours à des changements réels sur le terrain mais tiennent davantage à la redéfinition de concepts ; les résultats ne sont donc pas toujours pertinents et doivent être interprétés avec prudence. 


Connaissances scientifiques basées sur des faits : la partie générale du rapport est fournie par l’Office fédéral de la statistique qui a travaillé sur la base de la statistique des bénéficiaires de l’aide sociale. Le chapitre spécial « L’aide sociale sur fond de crise du logement : développements, enjeux et pistes d’action » a été rédigé par Michelle Beyeler, privat-docente en sciences politiques à l’Université de Zurich. Le rapport est établi sur mandat de l’Initiative des villes pour la politique sociale.

Contact
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Karin Landolt, Directrice de l'initiative des villes pour la politique sociale
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+41 78 739 78 16
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info@aegerter-holz.ch