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L’animation socioculturelle enfance et jeunesse reçoit enfin l’attention qu’elle mérite

31 mars 2021 – La crise du coronavirus a sollicité et stimulé l’animation socioculturelle enfance et jeunesse. Elle l’a sollicitée, en l’obligeant à adapter ses offres, par exemple les services rendus par les enfants et les jeunes aux personnes à risque. Elle l’a stimulée puisqu’elle suscite désormais davantage d’attention de la part du public. L’animation socioculturelle enfance et jeunesse souhaite mettre à profit l’attention portée à ce domaine particulier du travail social, afin de renforcer son ancrage au sein des villes et des communes.

de Marcus Casutt, directeur de l’Association faîtière suisse pour l’animation enfance et jeunesse en milieu ouvert (AFAJ)

 

La pandémie de coronavirus a considérablement altéré le quotidien de nombreux enfants, adolescent-e-s et jeunes adultes. Les offres de loisirs judicieuses et stimulantes n’ont soit plus lieu du tout, soit uniquement de manière très limitée, tandis que les parents ont à supporter les charges supplémentaires du télétravail et des angoisses existentielles. Le besoin fondamental des adolescents et des jeunes adultes de se retrouver avec des personnes de leur âge, y compris notamment dans l’espace public, est fortement limité. L’accroissement du stress, la souffrance psychique, voire la violence domestique en sont les conséquences.

 

L’association faîtière pour l’animation enfance et jeunesse en milieu ouvert (AFAJ) œuvre depuis le début de la pandémie pour le maintien des offres d’animation socioculturelle enfance et jeunesse. Ceci est l’objectif principal, puisque les enfants et les jeunes souffrent profondément des mesures et que les offres et les espaces libres dans les contextes extra-scolaire et extra-familial sont pour certaines jeunes personnes les seuls endroits où ils et elles rencontrent des personnes de confiance neutres et trouvent un refuge et un lieu de repos. Hormis pendant la période de confinement du printemps 2020, les offres sont restées accessibles dans la plupart des villes et des régions.

 

Une réaction souple et créative face aux changements

Les mesures du printemps 2020 ont eu pour conséquence de donner du jour au lendemain une grande importance d’une part aux activités numériques et d’autre part au travail hors murs dans l’animation socioculturelle enfance et jeunesse. Une enquête réalisée auprès des membres de l’AFAJ a montré que dans ces deux domaines, de nombreuses institutions ont réagi rapidement, avec flexibilité et beaucoup de courage et de créativité. Toutefois, les experts soulignent aussi que les échanges numériques avec les enfants et les adolescent-e-s ne peuvent en aucun cas remplacer les échanges en personne et qu’une relation préexistante est nécessaire.

 

«Le changement le plus significatif a certainement été la poussée de la numérisation, tant dans le travail avec les jeunes qu’à l’échelon organisationnel. Il y a eu beaucoup d’expérimentation à cet égard, notamment pendant la période de confinement, où bon nombre de formats intéressants ont vu le jour. Nous sommes néanmoins convaincus que les jeunes souhaitent avant tout se retrouver dans nos locaux. Aucune rencontre en ligne ne remplace les rencontres réelles et en personne.» Albrecht Schönbucher, directeur de «Jugendarbeit Basel».

 

La facilité d’accès favorise l’égalité des chances

En réduisant la taille des groupes et en instaurant des limites d’âge, les mesures de protection ont fortement modifié les offres d’animation socioculturelle enfance et jeunesse. Leur accès facile et bas seuil, qui constitue un principe de base de ce travail professionnel, ne peut pas être garanti. Les conséquences en sont l’exclusion de jeunes, par exemple en raison de la restriction de la taille des groupes et des limites d’âge et de la création d’obstacles, insurmontables pour certains, tels que l’obligation de donner ses coordonnées personnelles pour le traçage des contacts. Cela accroît l’inégalité des chances en cette période de pandémie, par exemple lorsque des jeunes, accablés par des situations de stress chez eux ou à l’école, ne parviennent pas à gérer l’inscription et les restrictions d’accès. Pour la «normalité» à venir, il est important que tous les enfants et les jeunes puissent à nouveau facilement accéder à ces offres et que les obstacles soient éliminés, dans la mesure où la situation générale le permet.

 

«Les jeunes sont très créatifs et font preuve d’une grande souplesse, par exemple quand il s’agit de se retrouver ou de trouver et d’utiliser des espaces.» Natalie Bühler, membre de la direction de «Offene Jugendarbeit Zürich».

 

Un accent mis sur la solidarité entre les générations et l’espace public

La grande solidarité des enfants et des jeunes, qui soutiennent les groupes à risque dans de nombreuses communes et villes en faisant des courses ou en fournissant d’autres formes d’assistance, s’est avérée très impressionnante. Les services spécialisés dans l’animation socioculturelle enfance et jeunesse ont souvent assumé à cet égard un rôle de coordination. Les activités et les projets intergénérationnels sont importants pour les villes afin de promouvoir la vie sociale et son développement. Dans le cadre de ces processus, les personnels spécialisés dans l’animation socioculturelle enfance et jeunesse sont des acteurs précieux et expérimentés.

 

«Justement dans l’espace public, un important travail de sensibilisation a été nécessaire, d’une part avec les jeunes afin de faire respecter les mesures, et d’autre part pour parvenir à comprendre leurs besoins. La signification et l’importance de l’espace public pour les jeunes ont pu être démontrées à la population ainsi qu’aux responsables politiques de Berne.» Nicole Jörg Ratter, directrice de l’association «Trägerverein für die offene Jugendarbeit der Stadt Bern».

 

En outre, il est important, tout particulièrement dans les villes et agglomérations, que les jeunes occupent une place appropriée dans l’espace public et qu’ils puissent contribuer à son aménagement. La situation liée au coronavirus l’a clairement montré. Pour de nombreux jeunes, les parcs et les places étaient et sont toujours souvent les seuls endroits où ils peuvent rencontrer leurs pairs sans être dérangés, comme ils en ont l’habitude et le besoin. Dans le cadre de l’aménagement de l’espace public d’une ville, il est donc essentiel d’impliquer l’animation socioculturelle enfance et jeunesse en tant qu’acteur compétent dans le domaine de la participation et en tant que plateforme pour les questions relatives aux enfants et aux jeunes.

 

Entretenir des réseaux nouveaux et renforcés

Dans la situation de pandémie, les spécialistes des communes et des villes ainsi que des associations cantonales et régionales s’adaptent à chaque fois dans de brefs délais aux modifications des règlementations et des mesures. Ce contexte a mis en évidence l’importance d’une bonne mise en réseau et d’une bonne coopération entre les spécialistes et les décideuses et décideurs politiques et administratifs tant au niveau national qu’aux niveaux cantonal et communal. Les réseaux existants ont contribué dans une mesure décisive à ce que tous les acteurs puissent réagir rapidement et judicieusement à la situation dramatique, tout particulièrement au printemps 2020. La crise a toutefois aussi créé des contacts nouveaux et plus intenses, qu’il conviendra d’entretenir à l’avenir et qui pourront déboucher sur de nouvelles coopérations, y compris très concrètes.

 

«Pour nous, en tant qu’association, la coopération avec l’administration municipale a été au début un grand défi, mais par la suite, les choses se sont apaisées et la coopération constructive a été consolidée.» Nicole Jörg Ratter, directrice de l’association «Trägerverein für die offene Jugendarbeit Stadt Bern».

 

Une sensibilisation accrue à la pertinence systémique

Au début de la crise du coronavirus, les responsables politiques, le grand public, les médias et les autorités se sont presque exclusivement concentrés sur la menace pour la santé physique et sur la protection des groupes à risque. C’était tout à fait compréhensible et légitime. Cependant, il est rapidement et clairement apparu que la situation était bien plus éprouvante, notamment pour les jeunes de la tranche d’âge de 16 à 25 ans, qui étaient traités comme des adultes, dans la mesure où le manque de contacts sociaux avec leurs pairs les affectait davantage que les autres groupes d’âges, ce qui n’a pas tardé à avoir un impact négatif sur leur santé mentale. Cela étant, une prise de conscience s’opère aujourd’hui et un débat émerge sur les conséquences de cette pandémie sur la santé mentale de la population, en particulier des jeunes, ainsi que sur les conditions de croissance des enfants et des jeunes, susceptibles d’avoir des séquelles tardives.

 

«D’une part, les adolescents et les jeunes adultes seront directement touchés par les conséquences à long terme et auront besoin de soutien (formation, insertion professionnelle, effets psychosociaux...). D’autre part, la question de l’égalité des chances et de la solidarité se posera sous un jour nouveau pour l’ensemble de la société. Il faut espérer que l’on tirera sérieusement parti de cette chance, que l’on en débattra et qu’elle débouchera sur des changements.» Giacomo Dallo, directeur de «Offene Jugendarbeit Zürich».

 

Les responsables politiques, le grand public, les médias et les autorités ont désormais pris conscience de l’importance capitale du travail des services spécialisés dans l’animation socioculturelle enfance et jeunesse pour le bien-être des jeunes et du caractère fondamental de ces activités pour la paix et la cohésion sociales.

 

«Depuis le début de l’année, nous constatons un intérêt des médias d’une intensité quasiment inédite chez nous. La «discipline marginale» que constitue malheureusement souvent l’animation jeunesse aux yeux du discours politique par rapport à l’école, est soudain sur toutes les lèvres. Autant les jeunes, principales victimes, ont été au départ oubliés, autant on débat actuellement des conséquences dramatiques prévisibles que la pandémie aura pour une génération entière. La grande solidarité de cette classe d’âge avec les autres générations est également enfin reconnue. Ainsi, quasiment dans le sillage de ce phénomène, l’importance des offres d’animation socioculturelle enfance jeunesse pour notre société apparaît plus que jamais. Nous espérons à ce titre avoir de nouvelles chances en ce qui concerne le développement et le financement de notre travail!» Albrecht Schönbucher, directeur de «Jugendarbeit Basel».

 

Cette prise de conscience accrue attire désormais sur ce travail l’attention qu’il mérite. Elle peut contribuer à faire en sorte que les activités extrascolaires à destination des enfants et des jeunes bénéficient de plus d’attention et de soutien de la part des villes et des municipalités. Si cela se réalise, les bénéficiaires seront ceux et celles dont le bien-être est en jeu : les enfants et les jeunes.

 

 

«Après le covid: les voix des villes» paraît chaque mercredi. Cette série est l’occasion pour des experts de différents domaines de prendre position sur les thèmes les plus brûlants de l’actualité du point de vue des villes.

 

 

Marcus Casutt, directeur de l'Association faîtière suisse pour l’animation enfance et jeunesse en milieu ouvert  (AFAJ). L'AFAJ  collabore depuis 2002 avec ses membres et ses organisations partenaires pour le développement, la professionnalisation et l’établissement de l’animation socioculturelle enfance et jeunesse en Suisse et dans la principauté de Lichtenstein. Elle réunit 19 associations cantonales ou régionales représentant environ 1200 services d’animation socioculturelle enfance et jeunesse.

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