DE
<< retour

Réforme fiscale de l’OCDE: état des lieux et conditions-cadres

23 février 2022 – Afin de mieux faire face au plan fiscal à la avancée de la mondialisation et du numérique, plus de 130 pays réunis au sein de l’OCDE se sont mis d’accord sur un nouveau cadre pour les réformes fiscales internationales. Les grandes entreprises suisses actives à l’international et les groupes étrangers ayant un siège en Suisse seront eux aussi concernés. Dans la perspective de la mise en œuvre de la réforme fiscale en Suisse, les objectifs stratégiques de rendement fiscal, d’acceptation internationale ainsi que d’attractivité de la place économique sont également cruciaux pour les villes.

L’avancée de la mondialisation et du numérique transforme l’économie. Bien souvent, le droit fiscal ne parvient pas à rester en phase avec le développement des modèles commerciaux numériques. L’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) travaille donc depuis déjà plusieurs années sur une adaptation des principes de l’imposition des entreprises multinationales. Aujourd’hui, une entreprise internationale paie des impôts là où elle a son siège, mais pas dans tous les pays dans les marchés desquels elle évolue. La nouvelle règlementation prévoit d’une part que la division de l’impôt sur le bénéfice entre le pays où se trouve le siège de l’entreprise et les Etats du marché sera modifiée en faveur de ces derniers. D’autre part, il est prévu de garantir une imposition adéquate des bénéfices en instaurant une imposition minimale mondiale des bénéfices.

 

Modèle à deux piliers de l’OCDE

La réforme fiscale envisagée ne concerne pas seulement – comme prévu initialement – les grandes entreprises numériques, mais l’ensemble de l’économie internationale, qui est de plus en plus digitalisée. La réforme se compose de deux piliers:

  • Pilier 1: Transfert des droits d’imposition vers les Etats du marché. Les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse les 20 milliards d’euros et dont la marge de bénéfice est supérieure à 10 % devront déclarer une partie de leurs bénéfices (25 %) dans la zone du marché. Au bout de sept ans, la valeur seuil sera ramenée à 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Selon le Conseil fédéral, le pilier 1 devrait vraisemblablement concerner un nombre d’entreprises suisses à un chiffre.
  • Pilier 2: Instauration d’une imposition mondiale minimale. Il est prévu d’instaurer d’un taux d’imposition de 15 % pour les entreprises internationales dont le chiffre d’affaires annuel dépasse les 750 millions d’euros. Selon le Conseil fédéral, le deuxième pilier devrait concerner quelque 200 entreprises suisses et environ 2000 filiales suisses de groupes étrangers.

L’OCDE prévoit que les deux piliers entrent en principe en vigueur par étapes à partir de 2023. Les travaux sur la concrétisation du pilier 2 sont toutefois moins avancés que ceux relatifs au pilier 1. Pour la mise en œuvre du pilier 1, il est nécessaire d’élaborer une convention multilatérale, ce qui d’après le Conseil fédéral causera un certain retard. L’OCDE a en revanche publié les règles types pour le pilier 2 en décembre 2021 déjà.

 

Objectifs stratégiques du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral s’est sur le principe rallié à la réforme fiscale de l’OCDE. Il demande toutefois que les intérêts des petites puissances économiques – comme la Suisse – soient pris en compte. En ce qui concerne le pilier 2, il a dans un premier temps décidé de mettre en œuvre l’impôt minimal par une modification de la Constitution. Sur la base de cette modification, une ordonnance transitoire doit garantir l’entrée en vigueur de l’imposition minimale le 1er janvier 2024. La loi correspondante sera adoptée ultérieurement par la voie ordinaire.

 

Pour la mise en œuvre de la réforme fiscale de l’OCDE en Suisse, le Conseil fédéral s’oriente sur les objectifs stratégiques de l’attractivité économique, de l’acceptation internationale ainsi que de la rentabilité fiscale. Par ailleurs, le Conseil fédéral a adopté en janvier 2022 les lignes directrices suivantes :

  • L’application de l’imposition minimale doit être garantie pour les entreprises internationales dont le chiffre d’affaires dépasse les 750 millions d’euros.
  • Les impôts supplémentaires sont perçus par les cantons. C’est aussi à eux que reviennent les recettes fiscales supplémentaires.
  • Les recettes fiscales supplémentaires sont soumises aux règles générales de la péréquation financière nationale.

Sachant que les entreprises concernées supporteront à l’avenir une charge fiscale plus lourde, le Conseil fédéral invite les cantons à utiliser les recettes supplémentaires pour financer des mesures de promotion de la place économique. Cela permettra de prévenir la menace d’une perte d’attractivité.

 

L’Union des villes suisses demande un état des lieux et un partage des recettes supplémentaires

L’Union des villes suisses (UVS) considère crucial que les trois objectifs stratégiques du Conseil fédéral – attractivitéde la place économique, acceptation internationale et rentabilité fiscale – soient pris en compte de manière équivalente. Il faut donc réaliser un état des lieux qui donnera une vue d’ensemble détaillée des cantons et entreprises concernés et développera des scénarios relatifs à l’évolution future des recettes fiscales dans les cantons. En outre, plusieurs réformes fiscales sont en passe d’être décidées à l’échelon fédéral (entre autres impôt anticipé, imposition de la propriété du logement), qui devraient elles aussi être prises en compte dans cet état des lieux.

 

Le but de la réforme doit consister à garantir un haut niveau de recettes fiscales à la Confédération, aux cantons, aux villes et aux communes tout en préservant la compétitivité de la Suisse dans le cadre de standards reconnus au niveau international. Une enquête publiée par Deloitte en novembre 2021 et menée auprès d’entreprises sises en Suisse montre que, sur le plan international, la Suisse est très bien placée en ce qui concerne l’attractivité de la place économique. Selon les entreprises interrogées, la Suisse devrait surtout améliorer son attractivité dans les domaines des relations avec l’UE, de l’accès aux talents internationaux ainsi que de la promotion de la recherche et du développement. Dans ce contexte, l’UVS considère un état des lieux détaillé, prenant en considération les différents facteurs qui contribuent à améliorer l’attractivité de la place économique, comme base essentielle pour un processus décisionnel qui bénéficie d’une large assise au niveau politique.

 

À l’heure actuelle, on ne sait pas encore dans le détail de quelle manière l’OCDE définira l’assiette fiscale uniformisée pour l’imposition minimale. Il apparaît toutefois d’ores et déjà clairement que la nouvelle imposition minimale de 15 % ne correspondra pas à une charge fiscale de 15 % selon le droit fiscal suisse. L’imposition supplémentaire des grandes entreprises actives à l’international instaurera par ailleurs une nouvelle forme d’imposition sur les bénéfices à l’échelon cantonal. Les cantons pourront en outre mettre en place de manière autonome des mesures visant à améliorer l’attractivité de la place économique. L’UVS craint qu’une mise en œuvre trop différente d’un canton à l’autre ne débouche sur un système fiscal compliqué et difficilement compréhensible. De l’avis des villes, il est donc souhaitable de définir un cadre national comprenant certaines directives de la part de la Confédération.

 

Enfin, l’UVS attend que les communes et les villes puissent bénéficier d’une part des recettes supplémentaires qu’apportera aux cantons la mise en œuvre de la réforme fiscale de l’OCDE, de la même manière que cela a été fait dans le cadre de la RFFA au moyen de la clause communale. Non seulement les villes connaissent les besoins de leurs entreprises, mais elles sont aussi des acteurs importants de la promotion de la place économique. Elles encouragent par exemple activement le développement de bonnes infrastructures de transport, d’institutions d’accueil extra-familial et de quartiers durables.

 

Exemple de la mise en œuvre de la RFFA :

Dans le cadre de la réforme fiscale nationale (RFFA) entrée en vigueur récemment, les baisses d’impôts cantonales et l’application des instruments fiscaux se sont traduites par une incertitude quant aux futures recettes fiscales dans les villes et les communes. Du point de vue de l’UVS, il est donc crucial d’étudier les répercussions de la mise en œuvre de la RFFA dans les cantons. Une analyse des répercussions de la RFFA peut fournir des indications précieuses sur la question de savoir dans quelle mesure les objectifs de la réforme ont été atteints. Cette vérification est par ailleurs essentielle en tant que mesure génératrice de confiance pour la réussite des réformes fiscales à venir. Dans la perspective de la très prochaine réforme fiscale de l’OCDE, il est nécessaire de procéder à une évaluation des effets des dispositions fiscales spéciales, afin de dispose d’une base décisionnelle étayée. Conformément au postulat 21.4079 « Analyse des effets de la réforme fiscale RFFA » adopté par le Conseil national lors de la session d’hiver 2021, le Conseil fédéral est tenu de réaliser cette analyse rapidement.

  ·  
+41 78 739 78 16
  ·  
info@aegerter-holz.ch