L’Union des villes suisses demande un renforcement de la politique climatique
Véronique Bittner-Priez, vice-directrice de l'Union des villes suisses
Les villes sont particulièrement touchées par le réchauffement climatique. L’imperméabilisation étendue des surfaces, la limitation des espaces verts et les restrictions de la circulation des vents font que les conséquences des vagues de chaleur croissantes y sont exacerbées. En outre, du fait de la forte densité de population et de l’intensité des activités économiques, les villes sont particulièrement sensibles aux évènements extrêmes tels que les fortes pluies ou les inondations.
Les villes assument leurs responsabilités: elles ont défini des stratégies climatiques ambitieuses et mettent en œuvre un grand nombre d’initiatives et de projets visant à réduire les émissions de CO2. Mais les villes ont également besoin d’un cadre juridique adéquat à l’échelon fédéral qui les soutienne dans leurs efforts. S’ajoute à cela que la Suisse n’a pas atteint son propre objectif climatique: l’objectif fixé dans la loi sur le CO2 de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici 2020 par rapport à 1990 a été manqué. C’est ce que met en évidence l’inventaire suisse des gaz à effet de serre 2020 de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).
Il faut donc rapidement chercher de nouvelles voies pour une politique climatique efficace. Les débats se concentrent sur la nouvelle version de la loi sur le CO2, l’initiative pour les glaciers et ses contre-projets direct et indirect.
- Loi sur le Co2: Suite au non des électrices et électeurs suisses en juin 2021, le Parlement a prolongé jusqu’à fin 2024 les objectifs de réduction ancrés dans la loi sur le CO2 ainsi que les mesures qui faisaient consensus. Cette prolongation n’étant qu’une solution transitoire, le Conseil fédéral a mis en consultation un nouveau projet et élabore actuellement un message. Celui-ci n’a pas encore été publié.
- Initiative pour les glaciers: L’initiative populaire demande que les émissions de gaz à effet de serre soient de «zéro émission nette» d’ici 2050. Pour ce faire, elle prévoit entre autres d’interdire les combustibles et carburants fossiles.
- Contre-projet direct à l’initiative pour les glaciers: L’objectif de «zéro émission nette» tel que proposé par l’initiative doit être inscrit dans la Constitution. En revanche, le contre-projet renonce à interdire les combustibles et carburants fossiles. Le Conseil national a approuvé le contre-projet direct. Le débat au sein du Conseil des États n’a pas encore eu lieu.
- Contre-projet indirect à l’initiative pour les glaciers: Parallèlement, la commission du Conseil national chargée de l’examen préalable propose d’inscrire l’objectif de «zéro émission nette» au niveau de la loi. Le contre-projet indirect sera débattu dans la Chambre basse lors de la session d’été 2022.
L’UVS a fait connaître sa position dans sa réponse à la consultation relative à la nouvelle loi sur le CO2 2022. De son point de vue, il est indispensable de diminuer par rapport à 1990 les émissions de CO2 de moitié d’ici 2030 et de les amener à zéro émission nette à l’horizon 2050. Ces deux objectifs doivent au moins être inscrits au niveau de la loi. Les émissions doivent avant tout être diminuées en Suisse. Afin d’éviter tout transfert des émissions vers l’étranger, il convient également de fixer dans la loi un objectif de réduction des émissions indirectes de la Suisse.
Les émissions de combustibles et carburants fossiles doivent être autant que possible éliminées
L’UVS est convaincue que l’objectif de zéro émission nette ne pourra être atteint que si le domaine de l’énergie est entièrement décarboné, c’est-à-dire que les combustibles et carburants devront être autant que possible éliminés. Cependant, cela ne doit pas obligatoirement passer par une interdiction, comme le réclame l’initiative pour les glaciers. Dans les domaines où les émissions de gaz à effet de serre sont difficilement évitables (p. ex. incinération des parties fossiles des déchets, production de ciment et agriculture), il faudra recourir à la séparation et au stockage des émissions de CO2 (Carbon Capture and Storage, CCS) et aux technologies à émissions négatives (NET).
Des objectifs aussi ambitieux exigent des mesures de grande envergure, notamment dans les secteurs du bâtiment et des transports, et donc des investissements considérables. Pour lancer les mesures et les investissements nécessaires, il est nécessaire de prévoir les soutiens financiers correspondants. C’est pourquoi l’UVS soutient une augmentation de l’affectation partielle de la taxe sur le CO2, comme le prévoit le Conseil fédéral dans la nouvelle version de la loi sur le CO2. Certaines villes proposent en outre d’augmenter le taux maximal de la taxe sur le CO2. Cela permettrait non seulement de financer des mesures supplémentaires, mais aussi de renforcer l’effet incitatif de la taxe.
Davantage d’incitatifs pour les chauffages renouvelables
Dans le secteur du bâtiment, l’UVS se prononce en faveur de la création d’incitatifs forts qui amènent les propriétaires à remplacer les chauffages fossiles par des solutions renouvelables. Le remplacement doit être soutenu financièrement et assorti d’une règlementation conséquente, à l’instar des lois sur l’énergie des cantons de Bâle-Ville et de Zurich. L’installation de chauffages fossiles doit être soumise à autorisation et ne doit pouvoir être autorisée que dans des cas exceptionnels et dûment justifiés. En outre, les mesures d’assainissement énergétique des bâtiments telles que l’isolation de l’enveloppe doivent également être soutenues par des offres de conseil et des subventions. Plus une maison est isolée thermiquement, plus sa consommation de combustible pour le chauffage est faible.
Un soutien financier pour les réseaux thermiques
Par ailleurs, l’UVS estime qu’un rôle important revient à l’extension des réseaux thermiques. Comme leur construction suppose des investissements initiaux élevés, l’UVS demande que des mesures de soutien financier appropriées soient définies. Il faut également simplifier les conditions-cadres légales (droit des concessions, droit des marchés publics et de la concurrence) et mettre en œuvre des instruments de planification énergétique efficaces. Pour rendre les investissements encore plus sûrs, certaines villes souhaitent rendre possible une obligation de raccordement aux réseaux de chaleur à distance renouvelables qui ne devrait pas s’appliquer aux seules constructions neuves, mais aussi aux bâtiments existants.
Oui à l’e-mobilité, mais avec modération
Dans le domaine des transports, selon l’UVS, seuls devraient encore être mis sur le marché des véhicules pauvres en émissions de CO2. Pour ce faire, il convient de fixer des valeurs limites ambitieuses pour toutes les catégories de véhicules, à savoir pour les voitures de tourisme, les voitures de livraison et les tracteurs à sellette légers, mais également pour les véhicules utilitaires lourds. Par ailleurs, l’UVS soutient la promotion des systèmes de propulsion renouvelables dans les transports publics. Si l’exonération des transports publics de l’impôt sur les huiles minérales devait être supprimée, les recettes supplémentaires qui en résulteraient devraient être utilisées pour financer l’électrification de la flotte, conformément au principe de l’équivalence fiscale.
Sur le principe, l’UVS prône des mesures destinées à éviter les transports et à les transférer sur des modes de transport plus respectueux du climat: trafics piéton et cycliste ainsi que transports publics. Ceci est nécessaire car les voitures de tourisme électriques à batterie ont elles aussi un lourd impact environnemental. La promotion du développement des infrastructures pour cette mobilité respectueuse de l’environnement devrait être largement soutenue par des conditions-cadres et des programmes d’encouragement appropriés.
Enfin, l’UVS constate que la protection du climat est encore trop peu prise en compte dans les plans sectoriels et directeurs de la Confédération et des cantons. Il n’existe pas de dispositions légales à ce sujet, ou alors seulement des prescriptions ponctuelles ou très générales. C’est pourquoi il convient de déterminer si la loi sur l’aménagement du territoire doit comporter de nouvelles dispositions afin de tenir compte de la thématique climatique.