Planifie les villes au delà de la mobilité?
Luca Bertolini, professeur d’urbanisme et de planification des transports à l’Université d’Amsterdam
Il s’agit plutôt de cultiver un large éventail de qualités urbaines qui soutiennent des valeurs humaines fondamentales telles que la santé physique et mentale, la cohésion sociale et l’inclusion, la différence et l’autonomie individuelles et la réconciliation des êtres humains avec le reste du monde naturel.
Les pratiques et idées émergentes soulignent que les rues des villes devraient avant tout être considérées comme des espaces publics urbains sociaux par excellence. La conception et la règlementation des rues ne devraient plus avoir pour principe directeur essentiel la canalisation du trafic, mais devraient traiter sur un pied d’égalité, si ce n’est prioritairement, d’autres utilisations des rues telles que la socialisation, la flânerie, le jeu ou la verdure. Un deuxième concept complémentaire émergent est celui de l’«accessibilité par la proximité», popularisé par des expressions comme la «ville du quart d’heure». Ce concept met l’accent sur l’objectif d’assurer l’accessibilité aux besoins quotidiens en introduisant de plus en plus de destinations diverses accessibles à pied ou à vélo plutôt qu’en rendant la mobilité motorisée plus rapide ou moins chère. Pour les destinations situées au-delà d’un trajet acceptable à pied ou à vélo, les transports publics sont considérés comme une option privilégiée en raison de leur efficience en termes de ressources et de leur caractère public.
Un concept émergent est celui de l’«accessibilité par la proximité»,
Rendre les transports publics attrayants passe par des améliorations des réseaux de transport public, mais aussi par une concentration des destinations occasionnelles importantes autour des nœuds de transport public, comme le préconise le transit-oriented development (TOD); et ce dans les villes, mais aussi dans les banlieues et à la campagne. En matière d’accessibilité, il existera toujours des besoins ou des souhaits qui ne pourront pas être satisfaits par les solutions évoquées ci-dessus. Pour ces situations, la voiture pourrait être une option complémentaire. Dans les autres situations, son utilisation devrait être découragée. Pour le fret, les priorités actuelles devraient être inversées. Nous devrions d’abord nous attacher à éviter complètement le transport de marchandises, puis à le transférer vers des modes plus durables, et seulement dans un dernier temps à le rendre plus efficace.
Si les pratiques et idées émergentes offrent une vision et une orientation, beaucoup de choses restent inconnues ou sont controversées et ne peuvent être découvertes et négociées qu’en étant mises à l’essai. Il faut donc poursuivre les expérimentations dans toutes leurs composantes. La vision et l’expérimentation devraient être considérées comme intimement liées, la première donnant une orientation et un objectif à la seconde, la seconde générant des idées sur les éléments de la première qu’il faut conserver ou adapter – et ce dans un processus continu, progressif, et de grande ampleur qui ne préjuge pas des résultats.
Ce point de vue s’appuie sur la publication scientifique en accès libre: Bertolini, L. (2023). The next 30 years: planning cities beyond mobility? European Planning Studies, 1-14. https://doi.org/10.1080/09654313.2023.2217855 |